samedi 31 août 2013

La rentrée de l'expatriée



C'est la rentrée !

Il y a encore des cartons à déballer. Les enfants sont tous à l’école, c’est leur première rentrée scolaire ici. Ca fait cinq minutes qu’Alice est assise devant une tasse de café dans sa cuisine. Elle se demande de quoi sera faite cette nouvelle vie dans ce pays où l’emmène la carrière de son mari. Curiosité et inquiétude se mélangent ; envie de découvrir et tristesse d’avoir laissé sa vie parisienne si familière…

Pour Jeanne c’est la routine. Ses enfants ont retrouvé leurs copains et copines à l’école. Le co-voiturage scolaire est organisé avec les voisines. Jeanne reprend ses activités : cours de langue, sport et bénévolat. Un bémol toutefois : sa meilleure amie, complice de ses expéditions en ville, est rentrée en Europe. Et deux familles sympathiques de son quartier sont reparties vers d’autres horizons. L’entraide de dernière minute fonctionnait si bien.  Soupir…

La rentrée de Lucie n’en est pas tout à fait une. Son plus jeune fils a eu son bac en juin dernier et vient de commencer des études en France. Tous ses enfants sont dispersés. Le nid est vide, la maison est silencieuse.  Des plages de temps libres s’offrent à elle. Quel changement ! Mais pour le moment Lucie ne sait pas du tout que faire de tout ce temps disponible auquel elle aspirait tant…Elle se sent un peu perdue. Quelles sont ses besoins, ses envies ? Difficile à percevoir après s’être tellement occupée des études et des projets d’avenir de son garçon…


Il y a aussi Marie qui est devenue grand-mère sur le sol de l’expatriation. Son mari est retraité. Tous deux restent dans leur pays d’accueil pour voir grandir leurs petits-enfants. Marie connait tout du fonctionnement de la vie quotidienne dans ce pays qu’elle pratique depuis un quart de siècle.  Marie est un peu lasse de voir arriver et partir des flots de familles. Elle a l’impression que ses investissements amicaux sont perdus et, à chaque départ d’une amie, elle se sent comme abandonnée. Pourtant elle est convaincue que sa vie est ici, il y a si longtemps qu’elle a quitté son pays d’origine, elle ne pourrait plus vivre ailleurs.

Alice, Jeanne, Lucie, Marie sont à des temps différents de leur cycle familial. Elles partagent cependant le fait de vivre en expatriation.  Alice, Jeanne, Lucie et Marie, c’est toi, c’est moi. Et chaque rentrée scolaire est un moment délicat : il faut retrouver un élan intérieur  pour avancer dans la vie au-delà des au revoir, des départs, des renoncements. Recommencer sans cesse est un des défis de la vie d’expatriée, un défi qui demande du courage, de l’énergie, de la créativité. Pour ce faire, chacune est invitée à laisser le passé là où il est. Le passé a été peut-être particulièrement riche d’événements, d’activités, d’amis chers… Il faut les laisser à leur place, ne pas retenir ceux qui sont partis, ne pas s’accrocher… Ce lâcher-prise permettra de retrouver  l’élan de recommencer quelque chose de neuf et d’accueillir les nouvelles familles arrivantes. 

Ne pas comparer...
Il y a toutefois une condition indispensable pour y arriver : laisser les comparaisons au placard. Avant, ailleurs, dans son propre pays ou celui d’une expatriation précédente  particulièrement réussie, tout peut sembler avoir été mieux ! Attention de ne pas tomber dans ce pli systématique qui est un réel handicap pour voir les aspects positifs de la vie ici : ils sont nombreux et accessibles à condition « de changer de lunettes ».

Vivre le présent est une autre condition pour vivre une expatriation féconde. Nous sommes constamment orientées vers l’avenir : nous organisons la semaine, prévoyons les prochaines vacances, nous imaginons déjà ce que sera l’an prochain, nous sommes « surbookées » et nous oublions de faire de la place au présent.

Fragilité du présent
Il est là, à portée de main. Il est fragile. Un souci apparait et le présent disparait. Or il ne demande qu’à être savouré et vécu dans chacune de ses dimensions. Nous avons besoin du présent. En nous reliant à ce qui est là, ici et maintenant, en développant une plus grande attention à celles et ceux que nous rencontrons au quotidien, nous développerons une qualité d’être-là qui enrichira nos relations avec les proches, avec notre environnement et avec nous-mêmes. Cette  qualité de présence et d’ouverture attentive peut transformer l’expérience de l’expatriation.
La convivialité et la solidarité en seront les fruits. Elles ont deux sœurs : la créativité et la générosité. On en reparle ?

Belle rentrée à toutes et tous !